QUESTIONS; Comment êtes-vous arrivé·e à Derry ? Depuis combien de temps ? Avec le reste de leur petit groupe, après une énième dispute entre Chris et Lula. Daisy leur a longtemps reproché d'être coincée à Derry, c'était leur faute si elle est loin de sa mère, leur faute quand elle s'imagine sa mère assise seule sur la table de la cuisine dans cette maison vide.
Pensez-vous à partir un jour ? Essayez-vous ? D’autres ont essayé pour elle. La période durant laquelle elle aurait pu essayer, elle l’a passé dans une torpeur passive. Et quand elle a repris pieds dans la réalité, elle avait déjà admis qu’elle resterait ici.
Avez vous une hypothèse sur les créatures ? (votre personnage se pose-t-iel la question ou fait-iel avec ?) Elle a écoute longtemps les hypothèses de MJ et Jojo, celles de David et ses wendigos, prêté attention à ce qu’il se dit ici et là et convoqué son maigre savoir. Elle n’a pas de théorie, mais aime à écouter celles des autres pour se tricoter petit à petit quelque chose qui fait sens.
À qui ressemble "votre" créature ? Sa créature ressemble à sa mère. Elle est rongée par le regret de la savoir seule, de l’imaginer triste et malheureuse. Sa mère doit croire qu’elle aussi, l’a finalement abandonnée et la culpabilité s’enroule comme une ronce autour de sa trachée et presse si fort. Des fois, quand elle entend cette mère lui raconter tout ça, ça lui demande toute sa force pour ne pas ouvrir. Et elle ne peut pas hurler …
Qu'est-ce qu'il vous manque le plus de votre vie d'avant ? Sa mère, ses adelphes, la mer (qu’elle n’a pourtant vu qu’une fois grâce au bus mais elle en est tombée éperdument amoureuse), la route et la liberté, voler ou emprunter des livres en bibliothèque, regarder les étoiles, pouvoir se coller à Lula, ou Jojo ou MJ en prétendant avoir froid la nuit.
CARACTÈRE; — Romantique. Révoltée. Ni optimiste, ni pessimiste, ni défaitiste. Curieuse. Gourmande. Solaire. Loyale. Courageuse. Taiseuse. Perdue. Généreuse. (Trop) protectrice. Envahissante. Égoïste. Passive. Dépendante. (Excessivement) rêveuse. Difficulté à fixer des limites. Amoureuse de l’amour.
FAITS DIVERS; — Sa mère est la personne qu’elle aime et déteste le plus à la fois. Daisy se rend bien compte qu’elle est malade, que sa mère en souffre et que ce sont les conséquences de la maladie qui ont fermé des opportunités. Mais c’est parfois (souvent) trop dur de relativiser, prendre du recul, pardonner. Alors elle a occasionnellement préféré détester sa mère, lui envoyer des horreurs à la figure (pour le regretter instantanément) plutôt que de blâmer la vie, le déterminisme et toutes ces conneries impalpables. C’était, un bref instant, plus satisfaisant de voir l’air blessé de sa mère. Au moins, quelqu’un d’autre souffrait aussi et Daisy le voyait. Aujourd’hui, Daisy pense que sa mère est atteinte d’un trouble bipolaire ou d’une dépression sévère, une maladie en tout cas qui lui donne un jour de la force et la lui retire ensuite, le genre qui l’empêche de prendre soin de ses enfants comme elle voudrait, le genre qui ne l’empêche pas de les aimer, même si c’est tantôt mal, tantôt fort.
— Un jour, son père est parti. Il avait une deuxième vie, une seconde femme qu’il aimait et qui n’était pas malade, elle. Il avait d’autres enfants. Alors ses parents ont divorcé, il a laissé une maigre pension qui ne permettait pas de couvrir les frais de la maison, de nourriture et les factures. Le départ de son père signe la rupture avec lui et tout ce côté de la famille. Avec son aide à lui, leur aide à eux, tout aurait pu être si différent. Meilleur. Moins dur.
— C’est une prof qui tire la signale d’alarme. Pour soulager sa mère, Daisy prend deux petits jobs en plus des cours. Ses notes (bonnes) chutent brutalement, Daisy est épuisée. Elle ne pardonnera jamais à cette prof le signalement aux services sociaux qui fera exploser la famille : ses deux jeunes adelphes sont placés dans une autre ville et elle-même dans un foyer de Missoula le temps de finir le lycée.
— Daisy se rêve avocate et postule à de prestigieuses universités. Elle se voit défendre les gens comme elle, les pauvres ères que le combat ordinaire broie un peu plus chaque fois, elle s’imagine les défendre contre la fatalité, la vie et exiger réparation. Sans la chute brutale de ses résultats, elle aurait eu une chance. Elle n’a rien eu du tout. Alors elle est retournée chez sa mère pour prendre soin d’elle. Elle ne s’est pas battue pour les petit·es, iels sont bien dans cette nouvelle famille, l’avenir leur tend les bras et il est plus lumineux que cette maison terne aux murs de papier. Elle garde le lien avec elleux, leur écrit aussi souvent que possible et prend le relais à la maison.
— Elle allait signer pour l’armée quand les autres ont subitement débarqué dans sa vie. Le dossier était complété et posé sur un coin de la table de la cuisine. Épuisée par des petits jobs éprouvants et le manque de perspective, elle s’approche d’un stand de l’armée au trade fair. On lui dit qu’on payera pour ses études, qu’elle est intelligente, qu’elle pourra servir, qu’elle pourra être diplômée. Elle a rencontré les recruteurs, passé les tests. Si elle rend le dossier, elle signe pour quatre ans. Elle pourra envoyer de l’argent à sa mère et la mettre à l'abri du besoin. Et s’il faut pour ça manier des M16, alors soit.
— En arrivant à Derry, Daisy n’aimait rien. Habituée à de la nourriture hyper transformée, grasse, sucrée et salée, elle a dû réapprendre à apprécier le goût des aliments. L’apprentissage a été long et compliqué mais elle s’est longtemps efforcée de manger un petit peu de tout et surtout de goûter.
— C’est Lula qui l’a initiée à regarder les étoiles ensemble quand les autres dormaient mais c’est Daisy qui a acheté le livre pour apprendre les constellations. Elle en (re)connaît beaucoup pour une autodidacte du ciel. De fil en aiguille, elle s’est instruite sur les constellations du monde et les mythes qui y sont liés. Elle les racontait à Lula ; sa préférée est sans doute La Grande Course du zodiaque chinois, le dragon qui s’arrête pour aider des villageois et le lapin qui le précède de peu dans la course mais dévie sur une bûche ; le singe, le coq et la chèvre qui s’entraident ; le cochon qui fait une pause pour manger et se reposer.
Elle a réalisé qu’elle est tombée amoureuse de MJ en premier, mais elle sait maintenant qu’elle a aimé Lula avant, elle n’arrivait juste pas à mettre le doigts sur cette amitié à la coloration si spéciale. Qu’elle tombe aussi amoureuse de Jojo ne l’a pas surprise, c’est même le contraire. Elle pouvait les aimer tous les trois, aussi grand et fort qu’elle le veut. Elle n’a rien dit bien sûr. A aucun. Pas encore. Elle craint trop de détruire ce qu’il reste du groupe pour oser leur avouer quoi que ce soit, peur de perdre leur amitié, peur du rejet.
— Daisy a un talent modeste pour la musique : elle aime chanter et sait bricoler quelques accords sur sa guitare d’occasion. Elle postait (quand elle avait le temps) des cover sur YouTube. Elle n’a pas encore ressorti l’instrument depuis leur arrivée à Derry, mais l’envie revient petit à petit.
— C’est avec MJ qu’elle a appris à tirer au pistolet. Le flingue était pas cher et il y avait une promo sur les munitions. Elle ne sait plus qui des deux a lancé l’idée comme ça, pour rire. Mais ils sont sortis du magasin avec leur arme et ont fait le tour d’une décharge pour récupérer des cibles de fortunes. Le premier tir l’a pétrifiée : rien ne l’a jamais préparé à la force du recul ni au bruit assourdissant. Puis ils sont partis d’un grand éclat de rire et ils ont dézingué comme ça bouteille et cannette. PAN PAN PAN. Et l’adrénaline coulait à flot à chaque fois. Ils se sont un peu améliorés, par la suite.
Depuis que MJ est parti de la maison, elle est rongée par l’inquiétude de le voir, chaque année, rempiler pour être arpenteur. Et comme elle ne sait plus comment le retenir (et qu’elle sait que la seule chose à dire pour le retenir le ferait fuir plus encore), elle a choisi la colère. Elle déteste ça. Tout était si facile entre eux avant… Alors pour lui rappeler qu’il compte, elle se fâche.
— Avec Jojo, c’est différent encore. Il n’a jamais compris qu’elle ne se batte pas pour ses adelphes, lui pour qui son cadet représente le monde. Elle peut lui expliquer encore et encore et encore qu’iels sont mieux où ils sont, c’est de l’ordre de l’impensable pour lui. Alors quand ils se disputent (rarement) c’est le point de discordance qui revient sans cesse. Quand iels se pardonnent tous les deux, iels font la cuisine. Immanquablement, l’un rejoint l’autre pour la nuit, pour dormir serrés l’un contre l’autre et se rappeler qu’iels s’aiment malgré tout. Daisy voudrait bien parfois, que ça signifie
qu’iels s’aiment.