QUESTIONS;Comment êtes-vous arrivé·e à Derry ? Depuis combien de temps ? Comme un corbeau, une tâche de charbon funeste dans les rues de Derry ; vêtu de son plus beau costume noir et de son deuil, Theodore était en route vers sa ville natale pour y enterrer son frère. Le détour avait pour simple but de rallonger la route vers ce qui s'annonçait être une épreuve épouvantable.
C'était en 2013 ; ça va faire 11 ans que Teddy fait ce détour.
Pensez-vous à partir un jour ? Essayez-vous ? Il y croyait au début ; passé les premières années, passé les discussions avec les habitants qui sont là depuis plus longtemps que vous, on se résigne. Teddy a longtemps cessé d'essayer, rendu fataliste par le temps insidieux ; pour autant, il n'étouffe jamais les espoirs des nouveaux arrivants. Toujours attentif aux mêmes listes qu'ils répètent tous immanquablement quand ils arrivent (Et par les airs ? Vous avez pas un avion ? Ou en creusant ? Et ce chemin ? Et, et, et...), armé du sourire poli et patient du professeur qui sait que son élève est en train de se planter.
Avez vous une hypothèse sur les créatures ? (votre personnage se pose-t-iel la question ou fait-iel avec ?)Aucune. Il ne cherche pas de réponse, la tête d'autruche enterrée dans le sable car parfois il vaut peut-être mieux ne pas savoir. Chaque théorie qu'il entend soulève encore plus de questions alors il les tait autant que faire se peut. S'il ne remballe jamais ceux qui souhaitent en parler avec lui, il n'apportera guère rien d'autre à la discussion qu'une oreille distraite et un sourire particulièrement crispé.
À qui ressemble "votre" créature ?Monstre changeant qui saute d'enfant en enfant comme sur la marelle, il y voit tous ceux qui l'enlacent, tous ceux dont il serre les petits doigts, tous ceux qu'il aide à grandir, tous ceux dont il tente de rapiécer les rêves ; et parfois les années le rattrapent, et il les voit eux, identiques à leurs photos dans son porte-feuille.
Dans son inconscient comme pour les monstres, elle ne vieillit jamais, elle s'est figée comme lui et ça va faire onze ans qu'elle a 9 ans ; sa nièce.
Et dans son inconscient comme pour les monstres, il n'est jamais vraiment mort, il n'a jamais vu ni son cercueil, ni sa tombe ; son frère.
Qu'est-ce qu'il vous manque le plus de votre vie d'avant ?La réponse logique, celle qu'il sortira toujours en public à chaque fois qu'on lui demandera, c'est sa nièce, et puis ses proches, et puis la ventoline, et la mer, et les skittles, et son feuilleton à la télé - et tous ces trucs à la con.
Mais la réponse officieuse qu'il n'admettra jamais, c'est de ne pouvoir rien faire. A Derry, il faut s'occuper car il y a toujours quelque chose à faire, quelqu'un à aider, un cours à donner, un enfant à consoler, et peu importe si ton moral est six pieds sous terre : tout le monde est essentiel.
Le fait de pouvoir aller mal, paisiblement, sans que le monde s'arrête d'avancer ; c'est sans doute ça, qui lui manque véritablement.
CARACTÈRE;attentif ; affectueux ; bienveillant ; bonne poire ; doux ; étouffant ; entêté ; extraverti ; fataliste ; faussement optimiste ; faux-semblants ; malhabile ; paternaliste ; patient; secret ; sociable ; solaire ; souriant ; triste ; tactile ; volontaireTeddy ! qu'on exclame ou qu'on soupire avec soulagement, Teddy qu'on empoigne, Teddy qu'on enlace, car Teddy s'est fait pillier moral pour tous ceux qui en auraient besoin, tellement accoutumé à réconforter les enfants qu'il a naturellement fini par l'étendre jusqu'aux adultes, qu'il a toujours un mot gentil ou un geste tendre, qu'on connait ses mains par coeur à force de les voir tendues en supination, son aide en offrande, ses caresses en pansements dans votre dos, sur votre épaule, le long du bras, au creux du cou,
partout où vous manquerez de chaleur, Teddy vous lèguera la sienne.
Teddy ? répèteront les nouveaux pour être sûr, peut-être un des premiers prénoms qu'ils entendront, toujours le premier volontaire pour les accompagner, leur expliquer, avec la même patience qu'il a offert, qu'il offre, et qu'il offrira à ses écoliers. Teddy en douceur assassine dans le morose de la situation, Teddy en sourires trop grands, tout en dent,
trop de dents ; pourquoi tu souris ? Qu'est-ce qui te fait sourire ? Teddy va mal, mais tout le monde va mal, et à choisir, il aura préféré être l'épaule sur laquelle on vient pleurer que d'être celui à qui on tend un mouchoir. Rester fort pour les plus jeunes, parler en euphémismes constamment, minimiser l'horreur un peu, peut-être, tout juste assez pour ne pas lapider leur innocence, mais comment faire lorsque les monstres ont quitté le dessous du lit pour voler des visages et gratter à leur porte ?
Est-ce que tu les aides vraiment, Teddy ?Theodore étouffe ses doutes et s'étrangle de chagrin, mais Teddy solaire se fera phare dans la nuit noire des incertitudes, le monde est sa famille, et s'il flirt régulièrement avec le paternalisme maladif, c'est qu'il n'a aucune idée de comment se rendre autrement utile. S'il doit être quelqu'un à Derry, alors il sera le carburant de vos espoirs, votre semblant de normalité, l'entrelacement de vos doigts dans les siens, le voisin sympathique, l'ami au bout du la rue, le professeur attentif, la bonne humeur un temps de pluie, électron libre qui papillonne d'un coeur à l'autre, Teddy sera tout ça ;
mais Theodore, lui, sait pertinemment
qu'il crèvera ici, et que le plus tôt sera sûrement le mieux..
FAITS DIVERS;— I. On le voit souvent utiliser
un vélo qu'il a laissé les enfants décorer avec ce qu'ils pouvaient. Ce n'est pas vraiment
son vélo, puisqu'à Derry rien n'est jamais vraiment exclusivement à vous, mais c'est le seul sur lequel on le voit traverser la ville à coups de
dring dring ! pour saluer tous ceux qu'il croise. Si on lui demande, il accepte avec grand plaisir de faire taxi sur le porte baggage (au risque de finir en crise d'asthme à l'arrivée.)
— II. Physiquement obsolète, véritable corps de lâche, s'il aide naturellement autant qu'il peut là où on a besoin de lui (notamment pendant les récoltes), Teddy s'avère généralement être un boulet plus qu'autre chose. Chétif, sans endurance,
asthmatique de naissance, et ayant fini sa dernière ventoline il y a des années, il est généralement une des dernières personnes vers qui on se tourne quand on a besoin de gros bras ; et ironiquement, il sera une des premières personnes à se proposer.
— III. Il
rêvait viscéralement d'être père, un jour, et c'est ce qui a justifié son choix de carrière. Avant Derry, il mettait de l'argent de côté tous les mois pour financer une adoption éventuelle ; il ignorait encore s'il pourrait vraiment sauter le pas un jour, mais ça le rassurait d'avoir au moins cette option quand la plus évidente allait à l'encontre de sa propre nature. Aujourd'hui, le rêve est mort et enterré, étouffé dans ses entrailles ; et en chaque enfant qu'il croise, il voit le fantôme de ce qui aurait pu un jour être sien.
— IV. Rendu pieu par l'horreur ; avant Derry, Teddy n'aurait jamais mis les pieds dans un lieu de culte sans qu'on l'y ait traîné. Mais à Derry, il y a des monstres qui prennent le visage de ceux qu'il aime, alors plutôt que de demander pourquoi, il a préféré demander pardon. Ca s'est fait progressivement, c'était nouveau pour lui qui n'a jamais grandi là-dedans, lui qui ne s'est jamais demandé quel sort l'attendrait lorsqu'il parviendrait au purgatoire.
— V. Grand amoureux des animaux qui, en ces temps où chaque ressource compte, a tout de même développé la très mauvaise manie de nourrir tous ceux qu'il croise, même ceux qui mordent ; cela inclue les
solitaires.
— EN VRAC. La compétition entre les deux phrases qu'il prononce le plus se joue entre "
tout va bien ?" et "
t'as besoin d'aide ?"• Quand les nouveaux arrivants ont fini de s'acclimater, il se permet enfin de poser les questions qui ont une réelle importance : comment se sont finies ses séries préférées ? • Un poil maniaque du ménage car la poussière lui donne des crises ; le placard qui lui sert de chambre à coucher est probablement un des endroits les plus propres de Derry. • Il a les doigts et les vêtements constamment salis par la craie, poussières blanches de ses tableaux ou poussières colorées des dessins ou autres marelles qu'il aide les enfants à graver sur la pierre et le bitume de Derry. Ca lui provoque aussi des crises parfois, mais il se dit que c'est un mal pour un bien. • Et, oui, vous le verrez jouer à la marelle avec eux. • Parfois rendu comme la nounou du coin, ce qui n'est pas pour lui déplaire. • A appris à se servir d'une aiguille et d'un fil spécifiquement pour rafistoler les doudous. • Hormis ça, il reste une des personnes les moins adroites qu'il vous sera donné de croiser à Derry. • Sait jouer de la guitare, et il aime en faire profiter les autres quand ils veulent entendre un peu de musique. Ca anime certains de ses cours également. • Fait régulièrement intervenir d'autres habitants de Derry dans sa classe quand ils ont le temps, pour parler de leurs tâches et transmettre leur savoir. • Même s'il avait pour vocation d'être instituteur en école élémentaire, il apprécie sincèrement enseigner aux adolescents de sa classe. C'est d'autant plus vrai qu'à l'heure actuelle ce sont généralement des enfants qu'il a vu grandir. • C'est un monsieur oui-oui. Il sait pertinamment qu'il se fait avoir parfois à force de ne jamais dire non, il n'en a juste rien à faire.