Dahlia Yeoh — soft heart, strong mind
cw : trouble de l’attention.
Dahlia roulait paisiblement sur une petite route entourée de bois quand elle a été happée par Derry. Elle ne s'est rendu compte de rien, est descendue de son van la bouche en cœur pour promener Mei et filmer la bourgade quand elle a découvert que ni son téléphone ni sa caméra ne fonctionnaient, avant de faire connaissance avec les premiers habitants.
Parmi les sept étapes du deuil, elle en est toujours au déni. Bien sûr, elle entend parfaitement quand on lui que ce n'est pas possible, que bien d'autres, depuis des années, ont essayé avant elle et en vain. Mais ça lui semble parfaitement inconcevable. Elle n'a rien tenté encore, ne sait pas comment s'y prendre et n'a, de toute façon, pas encore suffisamment pris ses marques en ville. Sûrement, sûrement s'il y a un moyen d'entrer, il y a une façon de s'en aller.
Pour l'instant, elle est dans l'incompréhension. Elle n'y a jamais été personnellement confronté à l'heure actuelle. Elle n'en sait que ce qu'on lui en a dit. Elle ne croit pas aux fantômes, ni aux extraterrestres. Mais si elle n'est pas adepte de surnaturel, elle n'en est pas moins sensible à la spiritualité. Derry semble incarner une boîte de Pandore conçue pour tester la puissance de l'espoir humain. S'agirait-il d'une simulation métaphysique ? La mort est-elle la porte de sortie ? Oh, elle ne s'amuserait pas à essayer, mais les implications philosophiques de ce confinement l'intriguent particulièrement.
Dahlia n'a pas encore eu l'occasion de faire face à sa propre créature, si on peut l'appeler ainsi ; elle ne sait donc pas quelle apparence elle revêt. Elle doute grandement qu’elle prenne l’apparence d’un membre de sa famille dont elle ne se sent pas particulièrement proche - bien qu’elle craigne, quand elle entend que ces monstres adopte les semblants des défunts, que mā mā lui apparaisse. Parfois, elle se demande même si ils pourraient se glisser dans la peau d’Aaron, et quels mots ils emploieraient pour tenter de la reconquérir.
Son van lui manque terriblement. Pouvoir voguer librement où elle veut, quand elle le veut. Bien sûr, elle comprend la nécessité de partager avec l'ensemble de la communauté les biens qu'elle a apporté, et de réserver le peu d'essence du véhicule aux voyages d'urgence. Mais après tout, il s'agit de sa maison, de là où elle a vécu durant plus d'un an. Elle se sent complètement dépossédée. Et puis, si elle doit être parfaitement honnête, ses petits privilèges financiers et sa notoriété virtuelle lui manquent également.
M O O D B O A R D
— Sous forme de mots clés ou de texte rédigé, indiquez ici le caractère de votre personnage.
— C’est avec une cuiller argentée dans la bouche que Dahlia est née. En effet, Wenwu Yeoh et Joan Booth sont tous les deux partenaires d’un grand cabinet d’avocats Franciscanais. La famille n’a donc jamais eu à manquer de rien, bien que la cadette ait parfois tendance à ne pas se rendre compte de tous les privilèges dont elle bénéficie.
— Persuadé qu’il s’agit là de l’avenir des relations internationales, Wenwu a tenu à apprendre à ses filles à parler mandarin. En réalité, et malgré ses efforts, elles n’en ont jamais eu qu’un usage purement domestique, et seraient bien incapables de tenir une conversation sur l’état actuel de la bourse.
— Heather, elle et Pansy ont toujours bénéficié de la meilleure éducation : primaires et secondaires dans des écoles privées de renom, activités extra-scolaires – club de débat et cheerleading pour Dahlia. Cela leur a ainsi permis d’accéder aux universités les plus prestigieuses des Etats-Unis et ce, bien évidemment, sans bourse, et avec chacune leur propre appartement hors du campus. Si ses sœurs étudient respectivement le commerce international et la médecine, Dahlia s’est tourné vers les sciences humaines - non sans grimaces de la part de sa famille qui peinait à voir l’utilité d’une telle vocation. Cela ne l’a pas empêché d’obtenir deux master’s degrees, d’abord en sociologie puis en philosophie.
— Mei lui a été offerte pour célébrer son premier master, il y a 4 an. Il s’agit d’un sloughi, aussi appelé lévrier arabe. Ses parents l’ont achetée à un élevage, mais Dahlia se fiche de son pédigrée. C’est une chienne intelligente qu’elle a rapidement su dresser, très affectueuse et qui a un grand besoin de se dépenser. Elle n’était pas complètement malheureuse, dans le grand terrain de la maison Yeoh ; mais il est indéniable qu’elle préfère sa vie au grand air, maintenant que Dahlia peut la faire courir autant qu’elle le veut dans la nature.
— Assez jeune, on lui a diagnostiqué un trouble de l’attention sans hyperactivité. Elle a commencé à prendre traitement lorsqu’elle avait dix ans, mais l’a interrompu à l’adolescence car il affectait négativement sa santé mentale. Depuis, elle fait avec. Elle collectionne les pense-bêtes, s’efforce de maintenir une routine particulière : un thé, marcher une heure avec Mei le matin, lire un peu, déjeuner, filmer ou monter ses vidéos pour ses réseaux sociaux, marcher deux heures avec Mei en fin d’après-midi, dîner et lire – à quelques écarts et étourderies près. Le téléphone accroché à la main pour toujours regarder l’heure et fouiller dans ses notes pour quelque rappel.
— Aaron était issu du même milieu qu’elle. Fils de médecins renommés, ils se sont croisés et tournés autour à l’occasion de plusieurs galas de charité. Si son patrimoine familial plaisait à sa belle-famille, les aspirations personnelles de la jeune fille ont toujours été source de risée. Mais Aaron semblait la soutenir alors elle n’en avait que faire. Quand il lui a sorti la bague avec la jolie pierre, elle n’en revenait pas, s’est trouvée tout émue. Premier amour, premier tout. La vie s’annonçait rose. Jusqu’à ce que sa condescendance s’interpose. Elle allait être femme au foyer n’est-ce pas ? Ou plutôt femme trophée. On ne change pas le monde avec de la branlette intellectuelle, Dahlia, ou quelque chose dans ces eaux-là. Alors elle lui a claqué la joue et la porte au nez.
— Dahlia a décidé de claquer la porte et de tout quitter à ses vingt-cinq ans. Après ses fiançailles avortées, elle a eu besoin de changer d’air. La pression et l’absence de reconnaissance familiale lui était devenue insoutenable. Alors elle a décidé d’acheter et de rénover un van, pour partir explorer les Etats-Unis. Officiellement, son but était de se détacher de toute la matérialité qui l’a toujours entourée et d’ouvrir son esprit à de nouvelles expériences humaines, de nouveaux horizons intellectuels et spirituels. Mais il y a une partie de Dahlia qui demeure hypocrite. L’argent avec lequel elle a acheté son van n’est pas arrivé dans sa poche tout seul, tout comme celui qui continue à affluer sur son compte en banque tous les mois. Son petit logis a beau être minimaliste, c’est le grand luxe comparé à d’autres personnes partageant le même style de vie. Elle n’a jamais eu à s’inquiéter de grand-chose, Dahlia, qu’elle veuille l’admettre ou non. Sa petite rébellion est gentiment tolérée, si ce n’est supervisée.
— Elle garde une trace de tout. Elle prend énormément de photos, filme tout ce qui l’entoure. Elle tient de nombreux carnets, de rêves, d’habitudes et autres bullet-journal. C’est qu’elle est assez tête-en-l’air, à force d’avoir la bougeotte et l’esprit qui file à cent à l’heure. Elle ne sait pas comment elle va faire à Derry maintenant qu’elle n’a plus aussi librement accès à du papier.
— Grande lectrice, les emprunts à la bibliothèque ne correspondent pas à son mode de vie nomade. Alors elle ne jure que par les boîtes à livres, et fait voyager d’Etat en Etat les ouvrage qui l’intéressent. Elle en a toujours environ cinq avec elle, fiction comme essais en tout genre. Elle a fait don de ceux qu’elle avait sur elle en arrivant à la bibliothèque de la ville.
— Elle possède une petite collection de bijoux héritée de sa grand-mère paternelle qui a toujours eu une affection particulière pour elle et qui est décédée peu avant qu’elle ait décidé de tout quitter. Si elle a bien voulu céder la majorité de ses possessions à son arrivée à Derry – en grinçant plus ou moins des dents, soyons honnêtes – elle se serait battue bec et ongles pour défendre ses précieux camées. Heureusement, ils n’ont qu’une valeur sentimentale et ne sont d’aucune utilité pour la communauté.
— Dahlia collectionne également toutes sortes de petits cactus, seules plantes suffisamment robustes pour survivre aux différents changements de climats qu’elle leur fait subir. Elle en possède une dizaine chacun dans un petit pot différent des autres ce qui lui permet de les reconnaître car elle les a affublés de petits surnoms. Dahlia ramasse également les cailloux et autres bouts de verre polis par le temps qui accrochent son regard. Elle n’a pas la main verte pour un sou mais apprécie la parcelle de nature que cela rajoute à son intérieur.
— Parfois, le soir, elle se demande si elle leur manque. Elle a toujours été le vilain petit canard mais elle était leur fille, leur sœur. Son ex, même. Est-ce qu’ils se sont fait une raison, ont accepté de ne plus avoir de contact avec elle, qu’elle ait décidé de couper les ponts ? Elle n’est pas comme ça, pour sûr qu’ils doivent le savoir. Est-ce qu’ils remuent ciel et terre ? Ils en ont les moyens. Pourtant rien ne pourra la leur ramener. Dans le fond, elle ne sait pas quelle idée lui donne le plus envie de pleurer.
soeurdelune (av) solsken (ics)
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